Comme pour toute société, vous avez rédigé les statuts de votre entreprise lors de sa création, seul ou avec l’aide de vos conseils. Ces statuts représentent «le mode d’emploi » de votre société. Ils définissent les pouvoirs du gérant, la façon de prendre les décisions, la possibilité ou non de voir arriver de nouveaux associés…
Mais ces statuts ne sont pas figés. Ils ont pu être en parfaite adéquation avec votre situation à la création de votre société, mais ne plus l’être lorsque vous pensez à en transmettre une partie.
Prenons l’exemple de M. et Mme DURAND. À la création de leur entreprise, ils se sont contentés d’utiliser des statuts standards, sans les personnaliser. Suite à un rendez-vous avec leur conseiller en gestion de patrimoine, ils ont réalisé qu’une simple modification statutaire pourrait éviter le blocage de la société en cas de décès, notamment en raison de la minorité de leurs enfants.
Nous reprenons ici quelques points qui doivent être vérifiés lorsque l’on évoque la protection de sa famille ou de son entreprise (la liste n’est évidemment pas exhaustive !).
Les statuts définissent les règles de majorité, c’est-à-dire comment les décisions sont prises entre les associés.
Les règles diffèrent :
Dans une SARL, la loi définit certaines règles, alors que pour les SAS, c’est la liberté statutaire qui prévaut.
Par exemple, pour voter l’affectation des résultats dans une SARL, il faut la majorité des associés représentant plus de la moitié des parts sociales (majorité absolue). Et pour changer les statuts, la décision n’est adoptée qu’avec une majorité des associés représentant au moins les ¾ des parts sociales.
Donc en cas de volonté de transmettre la moitié (ou plus) d’une société à ses enfants, il faut avoir conscience que le donateur va perdre le pouvoir dans la société. Cela peut même conduire à un blocage de certaines décisions.
Il convient donc de vérifier ces règles de majorité, et de les mettre en phase avec votre projet de transmission, si vous souhaitez conserver le pouvoir pour les décisions sociétales.
Dans une SARL, le gérant dirige l’entreprise, dans les limites fixées par les statuts. Dans une SA ou une SAS, il s’agit du président, et du ou des Directeurs Généraux.
Les statuts fixent, en dehors des pouvoirs des dirigeants, les conditions dans lesquelles ils sont nommés et révoqués.
Il convient donc de vérifier les pouvoirs laissés à ces dirigeants dans les statuts.
De plus, il peut arriver que la société soit bloquée suite à l’incapacité d’un dirigeant, ou à son décès.
Par exemple, les mandats passés par le gérant d’une SARL sont automatiquement révoqués en cas de décès.
De même, dans certaines sociétés, seul le dirigeant a accès au compte bancaire. Que se passe-t-il en cas d’incapacité ou de décès ?
Une première solution peut être de nommer un co-gérant (dans les SARL), ou un Directeur Général (dans les SA et SAS), qui peuvent suppléer le dirigeant. Mais cela implique de leur laisser des pouvoirs de gestion tout de suite.
Une alternative dans les SA et SAS peut être de nommer un président successif dans les statuts. Ainsi, en cas d’incapacité ou de décès du président, le successeur est déjà nommé et peut gérer la société immédiatement, limitant de fait la période d’absence de direction, et les blocages administratifs et juridiques.
Dans les SARL, SNC ou SCS, il est possible de nommer un gérant successif par pacte extra-statutaire.
La clause d’agrément permet aux associés de se protéger contre l’arrivée de nouveaux membres, en restreignant la libre cessibilité des parts sociales (ou actions). Cette clause permet aux sociétés de maintenir la cohésion en choisissant leurs futurs associés, d’éviter les conflits avec des héritiers ou tiers non-alignés, et d’assurer une transition contrôlée en cas de décès d’un associé.
Ainsi, si un associé souhaite vendre ses parts (par volonté ou à la suite d’un décès), il devra consulter ses homologues pour obtenir leur agrément. En cas de refus des associés, ces derniers devront lui fournir l’équivalent de la valeur des titres en liquidités. Ils devront alors racheter les parts, soit individuellement, soit collectivement, soit par le biais de la société (réduction de capital).
Cette clause peut jouer en cas de transmission par décès ou donation. En fonction de votre situation, il est possible de l’adapter. Cependant, il faut également prévoir les moyens d’un éventuel rachat des parts, si vous ne souhaitez pas agréer une cession/transmission de parts. L’assurance croisé-associé (voir Article Protection de l’entreprise) peut être une solution complémentaire.
La pleine propriété d’une action ou d’une part sociale est en réalité l’addition de deux droits réels :
Un démembrement, c’est-à-dire une « dissociation » de la nue-propriété et de l’usufruit, qui ne sont plus détenus par la même personne, peut naitre par exemple d’une succession ou d’une donation de la nue-propriété.
Dans ce cas, plusieurs questions peuvent se poser :
Ces questions sont normalement tranchées par la loi, mais il est possible d’y déroger dans les statuts.
Dans le cas de M. et Mme DURAND, ce sont donc leurs enfants qui auront le pouvoir de voter lors des assemblées générales. Toutefois, si les enfants sont mineurs, cela pose un problème, car l’intervention d’un juge des tutelles sera nécessaire pour valider ces décisions.
Par exemple, il est possible d’indiquer que l’usufruitier votera en assemblée générale pour toutes les décisions. Le nu-propriétaire sera convoqué à toutes les assemblées générales, car il ne peut être privé de ce droit.
Pour les distributions de résultat courant, il n’y a pas de problématique particulière : c’est l’usufruitier qui les perçoit.
Pour les distributions de réserves ou de résultat exceptionnel (par exemple à la suite de la vente de la société d’exploitation par une holding), cela peut devenir plus complexe. Le nu-propriétaire n’a-t-il pas droit à tout ou partie de ce prix de vente. Il est possible, afin d’éviter toute difficulté d’interprétation, de prévoir ces cas dans les statuts, dans un pacte extra-statutaire, ou dans un acte de donation.
Il est alors possible d’indiquer que, en cas de distribution de dividendes issues des réserves, l’usufruitier percevra la distribution sous forme d’un quasi-usufruit. Cela crée une créance de restitution au profit du nu-propriétaire, qui récupérera cette somme au décès de l’usufruitier, sans fiscalité.Il faut évidemment apporter un soin particulier à la rédaction de ces actes, notamment depuis que le quasi-usufruit est sous le feu des projecteurs (la loi de finances pour 2024 prévoit que la créance de restitution d’un quasi-usufruit, née d’une donation de la nue-propriété d’une somme d’argent avec réserve de quasi-usufruit, n’est plus déductible fiscalement de l’actif successoral de l’usufruitier).
L’article suivant est le troisième d’une série de publications sur les solutions qu’un dirigeant d’entreprise peut mettre en place.
Dans cette série, nous abordons différentes approches pour optimiser la gestion de votre patrimoine, sécuriser la transmission de votre entreprise, et anticiper les défis juridiques et fiscaux. Que ce soit par la mise en place de pactes extra-statutaires, l’utilisation de dispositifs fiscaux, ou encore la structuration de votre entreprise de manière à garantir sa pérennité, nos articles vous offriront une vue d’ensemble sur les meilleures pratiques actuelles. Chaque dirigeant est confronté à des défis uniques, et les solutions proposées doivent être adaptées à vos besoins spécifiques et à la nature de votre entreprise.
Pour savoir quelle solution est pertinente dans votre situation, l’équipe Elitya vous accompagne en vous délivrant des conseils sur mesure et une expertise dédiée.
N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations, ou pour parler de votre situation !